Kinshasa, le 04 juillet 2025
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  • 03 juillet 2025
  • environ 4 minutes et 22 secondes.

Quand un soupçon de fraude révèle une leçon d’inclusion !

Tout avait pourtant commencé dans le doute. Quelques semaines plus tôt, une alerte inhabituelle remonte aux oreilles de la firme logistique chargée de l’organisation matérielle de la Formation à l’Initiative Personnelle (FIP), un pilier de la sous-composante Soutien aux femmes micro-entrepreneures du Projet TRANSFORME. Parmi les milliers de femmes qui s’affairent aux opérations de contrôle physique avant la formation offerte par le Projet, une dizaine, toutes inscrites pour la même session, présentent un détail troublant : un seul et même numéro de téléphone de contact. En matière de contrôle, c’est un signal rouge. Soupçon de fraude. Fausse identité ? Dossier fictif ? Le contrôle physique organisé est immédiatement corsé pour ce groupe.

Mais la vérité, comme souvent, se cache derrière les apparences. Le numéro appartient à une structure d’accompagnement de femmes sourdes et muettes. Toutes les femmes concernées sont malentendantes. Et toutes ont été référées par des associations communautaires, comme l’église La Chapelle des Vainqueurs ou Sang Précieux, dans le cadre de l’appel à candidatures du Projet TRANSFORME. Le soupçon se dissipe. Reste un défi de taille : comment intégrer ces femmes dans un programme qui, jusqu’ici, n’avait prévu ni interprètes, ni supports adaptés à leur handicap ? Le Projet TRANSFORME avait mis un point d’honneur à identifier des salles de formation équipées de rampes d’accès, mais pas aux langues des signes. La réponse ne tarde pourtant pas.

En quelques jours, des interprètes sont recrutés. Ils suivent une immersion de six semaines dans les classes classiques pour s’approprier les concepts de la formation. Les manuels sont traduits en langue des signes écrite, adaptée aux origines linguistiques des participantes. Une classe spéciale est ouverte, avec un rythme intensif : trois sessions par semaine. Les débuts sont laborieux. Les écarts de niveau se font sentir. Mais la volonté, elle, ne faiblit pas.

« C’est une aventure humaine », confie Michel Kahasha, le directeur de la firme logistique, visiblement touché. La formatrice affectée à ce groupe s’investit corps et âme. Les interprètes aussi. Ils prolongent même les cours jusque dans les foyers. Et les résultats sont là. Ce mercredi, l’une des participantes présente fièrement ses produits : des gratana (croquettes) et des nyampoules (copeaux de noix de coco caramélisés), désormais emballés dans des sacs et pots plastiques soigneusement présentés. Une application concrète des enseignements reçus.

Albert Zeufack est émerveillé. Dans les échanges, toutes les femmes veulent s’exprimer, mais leur message est le même que celui porté par les quatre à qui la parole est accordée : « nous avons toujours été marginalisées dans les autres projets soutenus par la Banque mondiale, mais TRANSFORME nous a valorisées ». Elles remercient la Banque mondiale pour cette considération qui leur permet d’envisager l’avenir avec sérénité grâce aux compétences et à la subvention en nature qu’elles vont recevoir. En fait, Albert Zeufack se montre sensible. A sa façon, avec les gestes traduits amplifiés par les interprètes, il fait un constat : Ces femmes nous rappellent que l’inclusion n’est pas un supplément d’âme, mais une exigence. Il promet de devenir le champion de l’inclusion des personnes vivant avec un handicap dans tous les projets de la Banque mondiale en RDC. Et donne instruction pour que toutes les bénéficiaires de cette classe spéciale soient alignées à la subvention, sans filtre supplémentaire. Sa conviction est claire en fait comme il le dit aux responsables de l’Unité de coordination de TRANSFORME: « Je suis ici aujourd’hui parce que le travail que vous faites — permettre à des femmes malentendantes de devenir entrepreneures, de générer des revenus pour leurs familles — c’est exactement ce qui définit le mandat de la Banque mondiale. »

Il marque une pause, et poursuit : « Ces dames sont la raison d’être de la Banque mondiale. Voilà pourquoi, lorsque j’ai appris qu’elles étaient là pour ces formations, j’ai tenu à venir les saluer et les encourager. À cause de leur handicap, ces femmes sont trop souvent délaissées dans nos communautés et dans les projets de développement. Ce projet [TRANSFORME] prouve qu’elles peuvent réussir, qu’elles peuvent s’occuper de leurs enfants, de leur famille. Et c’est exactement ce que nous devons soutenir. Nous allons continuer à travailler avec le gouvernement pour qu’on ne les laisse plus de côté. Elles sont des citoyennes à part entière. Elles sont des ambassadrices pour toutes les autres femmes handicapées, qu’elles soient malentendantes ou à mobilité réduite. »

Et de conclure, dans un souffle : « Nous sommes très heureux d’avoir contribué à leur donner cette formation. Nous allons suivre leur parcours, pour que demain, nous soyons ici à célébrer leur succès. »

Ce qui avait commencé comme un soupçon de fraude s’est transformé en leçon d’inclusion. Une aventure silencieuse, mais profondément éloquente. Et dans les gestes précis de ces femmes, c’est toute une société qui apprend, enfin, à écouter autrement.

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